Analyse

Sézane, 10 ans de règne pour la marque à succès

Analyse

Sézane, 10 ans de règne pour la marque à succès


Les répercussions post-pandémie ont suscité un intérêt prononcé pour le marché de l’ameublement. Nouveau canapé, nouveau salon de jardin, changement de décoration ou achat de plantes… L’objectif était clair : upgrader son intérieur et se sentir bien chez soi – ce qui a eu pour effet d’impacter profondément le marché du meuble.

La crise passée, les consommateurs adoptent désormais une approche plus responsable quant à l’acquisition de mobilier : l’accent est mis sur la personnalisation, les modalités de livraison et la durabilité des produits.

  • comment les marketplaces impactent les ventes des retailers ?
  • les Pure players ont-ils toujours leur place sur le marché de l’ameublement ?

On fait le point.


Qui sont vraiment les acheteuses Sézane ?

Paris fait vendre. Si l’on regarde les parts de marché par région : la marque réalise 22.7 % de ses parts de marché online à Paris. 19.2 % sur le reste de l’Île de France – la région parisienne regroupe donc 42 % des parts de marché de la marque. Un chiffre frappant, mais en baisse. En 2021, c’est 46 % des PDM qui étaient réalisées sur ce territoire.

Les régions Auvergne Rhône-Alpes (10.3 % de parts de marché) et Nouvelle-Aquitaine (8 %) sont également stratégiques pour la marque.

Les régions Pays de la Loire et Bretagne, quant à elles, sont les seules où les parts de marché ont augmenté en 2022 vs. 2021. Partout ailleurs, elles ont légèrement diminué.

Entre 2021 et 2022, Sézane a acquis 59 % de nouveaux clients online – mais en a perdu 51 %.

Les clients perdus en 2022 dépensent 19 % de leur budget fashion chez Vinted, 10 % chez Zalando et 6 % chez Veepee. Les marques qu’ils achètent le plus sont Zara (6.4 %), H&M (4.6 %), Mango (3.6 %), Nike (3.3 %) et Levi’s (2.7 %).

Sur l’année 2022, les clientes Sézane ont eu une dépense moyenne de 431 € chez la marque. Si l’on résonne par génération, ce sont les gen B (347 €) et Z (267 €) qui ont le moins dépensé chez Sézane – alors que les Gen X et Y ont des dépenses moyennes respectives de 499 et 481 € sur cette même année.

Les produits qu’elles achètent le plus sont ceux qui ont fait la renommée de la marque : des robes, des jeans, des chemises et des mailles. Des « essentiels » qui resteront longtemps dans leur garde robe.

Les chiffres de la seconde main concernant Sézane sont parlants et reflètent la réalité du marché pour de nombreuses marques. En 2018, la seconde main ne représentait que 3 % des achats Sézane. En 2022, 9.5 %.

Côté marque, l’occasion est un pilier stratégique qui représente des opportunités business.

Côté acheteuses, acheter du Sézane, c’est prendre un risque très limité : au pire des cas, les articles se revendent sur Vinted en quelques heures à peine… et parfois à des prix supérieurs aux prix affichés en boutique.

Les produits de seconde main concernent toutes les générations. Mais si l’on regarde de plus près, celles qui dépensent le plus en vêtements Sézane de seconde main sont les générations B (10.3 %) et Z (12.4 %), soit les générations dont les dépenses moyennes étaient les moins élevées en neuf.

Toutefois, le poids en valeur des achats d’occasion des générations X et Y est loin d’être négligeable : respectivement 8.2 et 9.1 %.


La recette du succès de Sézane : un business model bien rodé, qui n’a pas bougé depuis 10 ans

Les micro-collections : le principe fondateur de la marque

Les Composantes, c’est le nom de la première marque créée par Morgane Sézalory. Des vêtements vintage chinés et des pièces retravaillées qu’elle vend une fois par mois en ligne, sur eBay. Les créations revisitées plaisent, et les ventes sur eBay deviennent rapidement un rendez-vous mensuel qui regroupe une petite communauté. Après plusieurs années à commercialiser ses créations sous le nom « Les Compostantes », la créatrice décide de créer sa propre marque.

Ce sera Sézane – une marque qui fonctionne exactement sur le même principe que Les Composantes : des micro-collections destinées aux clientes inscrites à sa newsletter. Et qui confèrent aux acheteuses un sentiment de proximité et d’appartenance à une communauté qui fait partie de l’ADN de la marque.

Les produits ? Des iconiques, des essentiels, une qualité irréprochable et des pièces qui durent dans le temps, que l’on s’échange et que l’on se transmet. Le tout à des prix raisonnables, et produit de manière responsable. Les pièces sont commercialisées en petite quantité, et faites avec amour – c’est d’ailleurs inscrit sur l’étiquette.

La créatrice en égérie – un storytelling maîtrisé

La marque Sézane, c’est la contraction du nom et du prénom de sa créatrice, Morgane Sézalory. Comme chez les marques de luxe, Sézane ne vend pas seulement des vêtements, des chaussures ou des accessoires – mais une vraie philosophie de vie, des valeurs, un style de vie à la française, une manière d’envisager la mode et les vêtements. La marque n’a pas besoin d’une égérie pour inspirer et rassembler sa communauté, elle a sa fondatrice. En somme, Sézane, c’est Morgane Sézalory.

Et c’est probablement ce que vient rechercher sa communauté.

Sézanettes et Sézane Addicts : plus que des clientes

Le pouvoir d’attraction de la griffe est unanime. Les aficionados se sont autoproclamées “Sézane Addicts” : c’est d’ailleurs le nom qu’elles ont donné à leur groupe Facebook, qui rassemble plus de 66 000 membres.

Un lieu où elles discutent des vêtements Sézane, des nouvelles collections, revendent leur butin après avoir succombé trop vite à une nouvelle pièce, s’échangent ou se vendent différents articles : goodies, totebags, carnets, crayons de couleur. Des cadeaux offerts par la marque qui deviennent une monnaie d’échange.

Sur Instagram, le hashtag #sezanette compte 135 000 publications et regroupe les looks et les photos de leur garde robe que postent les acheteuses.

Storytelling ultra léché pour l’anniversaire de la marque

Lancée en 2013, la marque a 10 ans cette année. Pour célébrer l’événement, une page a été créée sur le site, offrant une expérience immersive aux internautes :

  • une lettre à cœur ouvert, nommée “Sézane ouvre toi”, rédigée par la fondatrice qui revient sur les origines de la marque.
  • un podcast, “Sézane parle moi”. La promesse, “30 minutes personnelles pour vous raconter l’histoire de Sézane”.
  • des vidéos, des photos, 10 ans d’histoires et de souvenirs.

L’objectif : créer toujours plus d’affect et de proximité avec les shoppeuses.

Des collections capsules pour augmenter la désirabilité de la marque

Sur l’eshop de la marque, on retrouve une catégorie Essentiels. Des basiques intemporels – chemise blanche, marinière, jean brut. Des permanents qui ont fait la renommée de la griffe et que l’on peut se procurer tout au long de l’année.

En parallèle, des microcollections en édition limitée, limitées dans le temps mais surtout limitées en volume. L’objectif : susciter l’attente, le désir des acheteuses et la fear of missing out – une fois les stocks épuisés, il n’y a pas de réassort. Et surtout, jamais de soldes, de ventes privés ni de démarques.

Pour faire simple : c’est maintenant, ou jamais.

Un positionnement prix judicieusement accessible, à mi-chemin entre la fast fashion et le luxe

Grâce aux microcollections, le prix n’est pas un problème. Un marketing de la rareté associé à une communauté très fidèle, et les produits sont généralement sold out en quelques minutes seulement.

La dépense moyenne sur l’année 2022 est de 431 € chez Sézane, pour un panier moyen de 158 €. En comparaison, le panier moyen chez Zara est de 55 € pour une dépense moyenne 134,40 € sur 2022.

À mi-chemin entre la fast fashion et le luxe, Sézane se positionne commune marque de semi-luxe, de luxe accessible à l’instar de Sandro, Maje ou The Kooples. Toutefois, ses prix sont moins élevés.

La marque s’est créé un univers propre, avec un prix juste correspondant à la qualité des produits vendus.

« L’appartement Sézane »: des boutiques physiques avec une expérience sur-mesure et des clientes chouchoutées

Sézane est historiquement une DNVB. Après 3 années de vente exclusive via son site internet, la marque ouvre sa première boutique physique en 2016. Un magasin classique ? Pas tout à fait. L’expérience IRL se veut unique, intimiste et cosy : la boutique s’appelle “L’Appartement Sézane”. Le parquet grince, on vous accueille avec un thé et la visite s’apparente à une exploration. En plus des produits de la marque, on y trouve une offre lifestyle. Déco, vaisselle, papeterie, linge de maison – en édition limitée bien sûr. Le tout sur fond de parfum Sézane, pour parfaire l’expérience.

D’autres appartements ouvrent dans quelques villes stratégiques. En parallèle, la marque propose des points de ventes éphémères en Europe et aux États-Unis. Fin 2022, un Appartement a ouvert outre-Atlantique, à San Fransisco. Sur la vitrine, la promesse de la marque : “Sézane brings Paris to you”.

Libre service : un nouveau concept de boutique de 400m2

Après avoir lancé Octobre Éditions (le vestiaire Sézane, version masculine), la marque ouvre le Libre Service Sézane en 2019. Une boutique format concept store – 400m2 sur deux niveaux. On y trouve bien sûr les produits de la marque, mais aussi des vêtements vintage d’autres marques, des collaborations avec des marques d’upcycling. Des produits beauté, papeterie, des jouets érotiques.

Une boutique d’un nouveau genre dans laquelle on trouve un espace conciergerie pour retirer ses colis Sézane, un petit coin pour charger son téléphone en lisant un livre. Un lieu qui invite à prendre son temps.

Sézane règne en maître sur le marketing de la rareté et de la proximité. En plaçant les clientes au cœur de sa stratégie et en leur offrant une expérience utilisateur léchée online comme offline, elle est la preuve que le digital ne signe pas la fin des boutiques physiques – mais les oblige à se réinventer.